Les abeilles meurent, l’Europe détourne les yeux. A la mi-juillet, un comité technique de l’Union européenne a décidé d’adopter un texte qui repousse encore un peu plus la mise à jour du système d’homologation des pesticides qui permet toujours la commercialisation de molécules dangereuses pour les pollinisateurs. En passant outre l’avis de ses propres experts et de la communauté scientifique, révèle ce mardi 27 août « le Monde ».
Une mesure de révision des tests d’évaluation en vigueur des risques des pesticides sur les abeilles, surnommés « tests abeilles », a été proposée par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) il y a déjà six ans, en juillet 2013, après avoir montré l’année précédente les failles du système en place. Mais le texte adopté ce 17 juillet repousse les mesures proposées par l’Efsa à un examen ultérieur, au mieux, après l’été 2021.
Et les trois principaux insecticides néonicotinoïdes (imidaclopride, clothianidine et thiaméthoxame) interdits en avril 2018 pourraient ainsi être remplacés par des produits aussi problématiques.
Des tests très permissifs
Pour le moment, les tests en laboratoire ne cherchent par exemple qu’à déterminer la toxicité aiguë d’un pesticide pour l’abeille adulte, alors que des tests ont montré que l’exposition au long terme des abeilles à certains pesticides comme l’imidaclopride, dont la dose est plusieurs milliers de fois inférieure au seuil de toxicité aiguë, peut tout de même tuer une abeille en quelques jours. Le toxicologue néerlandais Henk Tennekes explique au « Monde » :
"« Depuis qu’on a découvert que la toxicité des néonicotinoïdes sur les insectes est renforcée par la durée de l’exposition, il est clair que l’évaluation du risque basée sur la seule toxicité aiguë est insuffisante car elle sous-estime le risque de long terme. »"
Voilà pourquoi entre autres l’Efsa a rédigé en 2013 des lignes directrices prenant en considération les risques associés à l’exposition chronique et les risques potentiels pour les larves, ainsi que les différentes voies d’exposition et les effets non mortels des produits chimiques sur les abeilles, comme la perte de fertilité. Selon ces recommandations, la plupart des pesticides présents sur le marché de l’UE aujourd’hui ne passeraient pas les tests de toxicité chronique, selon une étude d’impact publiée en 2018 par les industriels. Mais ce texte n’a aucune valeur légale.
Entre 2013 et 2019, ce fameux document guide a été présenté une trentaine de fois au comité technique concerné, composé de représentants de chaque Etat membre de l’UE, mais jamais aucun accord pour l’adopter n’a été trouvé, faute de majorité qualifiée. L’association française Pollinis, qui participe au comité des parties prenantes, dénonce l’intense lobbying des industriels de l’agrochimie sur le sujet.
La nouvelle mesure adoptée en juillet ne fait pas avancer le dossier. L’exécutif européen a demandé à son agence de réviser son document en s’axant sur les preuves relatives à la mortalité des abeilles, en tenant compte des avancées des connaissances sur le sujet. Le tout pour juin 2021.
Par L'Obs
Publié le 27 août 2019 à 18h15
https://www.nouvelobs.com/planete/20190827.OBS17623/l-europe-traine-pou…
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