Mort des abeilles : Inertie de la Commission

Lors de la dernière session de septembre du Parlement européen, Dominique Souchet, par une question orale sur le lancinant problème de la mortalité massive des abeilles, et Georges Berthu, par son intervention dans le débat, ont tiré une fois de plus la sonnette d’alarme. Voilà plusieurs années, depuis 1995 exactement, que l’on a constaté en France des problèmes totalement anormaux de dépérissement des colonies d’abeille. La situation s’aggrave d’année en année, l’étendue des zones touchées comme le nombre de ruches augmentent sans cesse, et maintenant, on peut dire que de nombreux pays d’Europe sont affectés.

Il apparaît à l’examen que cette mortalité des abeilles ne relève pas d’une pathologie classique. Plusieurs autres hypothèses ont été étudiées comme le climat, la pollution générale ou l’utilisation erronée de produits phytosanitaires. Mais si elles peuvent parfois encourir une part de responsabilité, elles ne peuvent en aucun cas expliquer le mal dans toute son ampleur.

En fait, selon les experts et les professionnels, une cause principale est bien identifiée : l’environnement des ruchers, lorsqu’il comprend des champs de cultures mellifères, colza, tournesol, maïs, dont les semences ont été traitées à l’aide d’insecticides du type Gaucho ou Régent. Bien entendu, les fabricants industriels répondent que le lien n’est pas établi formellement, mais l’expérience montre la concomitance complète entre les troubles des abeilles – perte du sens de l’orientation, tremblements, incapacité à butiner et finalement la mort – et la présence à proximité de cultures issues de semences traitées au Gaucho ou au Régent. Plus les observations se multiplient, plus ces conclusions se confirment. Pourtant, rien de décisif n’est encore venu des pouvoirs publics, et de la Commission en particulier, sinon des paroles d’apaisement, le lancement d’études et quelques mesures ponctuelles comme, en France, la suspension provisoire d’autorisation du Gaucho pour le traitement des semences de tournesol.

C’est pourquoi la commission de l’agriculture du Parlement européen, à l’initiative de Dominique Souchet, a organisé une audition à ce sujet le 28 avril dernier. Les enseignements que nous en avons tirés sont alarmants, car le problème des abeilles pourrait bien n’être que la partie la plus visible d’un problème plus vaste affectant les insectes pollinisateurs, l’entomofaune et la faune du sol. Les molécules du Gaucho et du Régent pourraient donc être néfastes, non seulement pour les abeilles mais pour un environnement beaucoup plus large.

Et ne nous arrêtons pas là ! Les molécules étant présentes dans les produits agricoles utilisés en alimentation humaine ou animale, il y a lieu de s’inquiéter aussi pour notre propre santé. C’est pourquoi, devant ce risque d’empoisonnement diffus de l’écosystème – et peut-être des hommes – nous exigeons l’application du principe de précaution. Or les réponses de la Commission à la question orale de Dominique Souchet ont été une fois de plus beaucoup trop attentistes. Le principe de précaution implique, à notre avis, d’interdire l’utilisation des produits en cause, au moins sur toutes les cultures mellifères. Il faudra aussi prendre des mesures pour que les apiculteurs soient dédommagés et puissent reconstituer leurs ruches.

Europe des Nations
Lettre des députés MPF au Parlement Européen
Directeur de la publication : G. Berthu
Commission paritaire : 1102P11220

http://www.apiservices.com/intoxications/communique_mpf_10_2003.htm