Le ministère de l'Agriculture s'est prononcé vendredi pour l'interdiction du pesticide Cruiser du groupe suisse Syngenta utilisé pour le colza et suspecté d'être néfaste pour les abeilles, ce qui pourrait déboucher sur une interdiction effective d'ici quelques semaines. "C'est super !", s'est exclamé le député PS Gérard Bapt, président du groupe santé environnementale dans l'Assemblée sortante, en apprenant cette décision, qui selon lui "tranche de manière bienvenue avec l'attentisme des ministres précédents, trop sensibles au lobby de l'industrie". "J'ai averti le groupe qui commercialise le Cruiser que j'envisageais de retirer l'approbation (l'autorisation, NDLR) de mise sur le marché", a déclaré le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll sur le perron du ministère, après avoir reçu un rapport de l'Anses qui démontre l'impact de ce produit sur la mortalité des abeilles. Le groupe suisse dispose maintenant d'un délai de 15 jours pour faire part de ses observations.
L'avis de l'Anses (agence sanitaire de l'environnement et de l'alimentation) "apporte des éléments nouveaux et montre clairement l'effet néfaste de ce produit sur la mortalité des abeilles et je veux tenir compte de ce qui a été dit", a indiqué le ministre.
Ce dernier a également indiqué que la France avait décidé de saisir la Commission européenne et l'Autorité européenne pour la sécurité alimentaire (EFSA) sur ce sujet.
"Dans l'attente de ces travaux il nous apparaît nécessaire de demander à la Commission de revoir l'approbation du Cruiser", a précisé le ministre qui a ajouté qu'il mènerait cette bataille sur le plan européen.
L'avis de l'Anses, remis ce vendredi au ministre, avait été demandé fin mars par le précédent ministre de l'Agriculture Bruno Le Maire après la publication dans la revue Science d'une étude française attestant d'effets nuisibles du thiametoxam sur les abeilles.
Le thiametoxam est un insecticide de la famille des néonicotinoïdes, qui constitue une des trois substances actives du Cruiser OSR, utilisé pour le traitement du colza.
Dans son avis, l'Anses souligne que l'"approche originale" des chercheurs, qui ont conduit "une étude comportementale des abeilles butineuses exposées à une substance phytopharmaceutique", met en évidence "un effet néfaste d'une dose sublétale de thiamethoxam sur le retour à la ruche des abeilles butineuses".
Elle admet que "dans les conditions de pratiques agricoles actuelles", l'exposition des abeilles au thiamethoxam via les résidus de nectar de colza "est inférieure à la dose utilisée dans l'expérience", mais estime qu'une exposition à cette dose "ne peut être totalement exclue dans des circonstances particulières".
Elle relève aussi que d'autres études "ont récemment mis en évidence certains effets néfastes de l'exposition à des doses sublétales de néonicotinoïdes sur l'état de santé des colonies de bourdons et d'abeilles".
"En lien avec l'Efsa", l'Anses recommande donc de poursuivre les travaux de recherche et appelle à une "évolution de la réglementation européenne" qui permettrait, lors de l'évaluation des produits phytopharmaceutiques, d'intégrer les résultats des expérimentations prenant en compte "les effets sublétaux d'une exposition aux néonicotinoïdes".
Elle demande aussi d'"engager une réévaluation au niveau européen des substances actives néonicotinoïdes (thiamethoxam, clothianidine,...) sur la base des données scientifiques nouvelles issues des études récentes".
Source: Liberation, 1 juin 2012
http://www.liberation.fr/depeches/2012/06/01/le-ministere-de-l-agricult…
- Log in to post comments